Alors que de plus en plus d'entreprises valorisent l'expérience pratique plutôt que les diplômes pour élargir leurs viviers de recrutement, la vérification des qualifications reste un impératif légal incontournable en France – y compris pour les compétences acquises hors cursus académique.
I. Cadre légal de la vérification des qualifications et diplômes
A. Obligations de l’employeur en France
En France, bien qu'il n'existe pas de texte de loi unique imposant explicitement à l'employeur de vérifier systématiquement les diplômes de ses candidats, la jurisprudence de la Cour de Cassation a clairement établi cette responsabilité. La Cour considère que la vérification des diplômes doit être effectuée par l'employeur avant l'embauche. La signature du contrat de travail est en effet susceptible de « purger » les éventuelles inexactitudes ou fausses déclarations du candidat concernant ses qualifications [1]. Cela signifie qu'une fois le contrat signé, il devient plus difficile pour l'employeur de se prévaloir d'une fausse déclaration pour justifier un licenciement, à moins de prouver un dol (manœuvre frauduleuse ou mensonge ayant déterminé le consentement de l'employeur) ou une incompétence avérée du salarié pour le poste [1].
Le Code du travail, notamment l'article L1221-6, stipule que les informations demandées au candidat, quelle que soit leur forme, doivent avoir pour seul but d'apprécier sa capacité à occuper l'emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Cette exigence implique une certaine diligence de la part de l'employeur pour s'assurer de la véracité des informations fournies, en particulier lorsque les qualifications sont déterminantes pour l'exercice des fonctions.
B. Normes et réglementations spécifiques selon les secteurs
La nécessité de vérifier les qualifications prend une dimension encore plus critique dans le cas des professions réglementées. Ces professions, dont l'exercice est encadré par des lois et règlements spécifiques, exigent la possession de diplômes ou de titres professionnels précis pour garantir la sécurité publique, la santé, la justice ou d'autres intérêts fondamentaux. C'est le cas, par exemple, des médecins, infirmiers, avocats, architectes, experts-comptables, ou encore de certaines professions du bâtiment et de l'artisanat [2].
L'usurpation de titres ou l'exercice illégal d'une profession réglementée sans les qualifications requises expose non seulement l'individu à des sanctions pénales (faux et usage de faux, exercice illégal d'une profession), mais engage également la responsabilité de l'employeur. En effet, un employeur qui recrute une personne non qualifiée pour une profession réglementée s'expose à des poursuites pour complicité ou manquement à ses obligations légales, avec des conséquences potentiellement graves sur sa réputation et sa conformité réglementaire.
Par ailleurs, l'usage de certains titres professionnels, comme celui de psychologue ou d'ingénieur, est protégé par la loi. La vérification de ces titres est donc essentielle pour s'assurer de la légalité de l'embauche et éviter toute infraction.
Références : [1] https://www.admissions.fr/expertheque/articles/un-candidat-peut-il-vous-raconter-nimporte-quoi-pour-se-faire-recruter/ [2] https://hauts-de-france.dreets.gouv.fr/Authentification-des-diplomes-d-Etat-par-les-employeurs
II. Procédure d’embauche : étapes et bonnes pratiques de vérification
A. Collecte et contrôle des documents
La première étape d’une vérification rigoureuse consiste à demander au candidat de fournir les justificatifs de ses qualifications. Il peut s’agir de copies de diplômes, de certificats de réussite, d’attestations de formation ou de relevés de notes. Il est impératif de formuler cette demande de manière claire et de l’intégrer au processus de recrutement, idéalement avant la proposition d’embauche.
Pour s’assurer de l’authenticité de ces documents, plusieurs méthodes peuvent être employées :
- Contact direct avec les établissements émetteurs : C’est la méthode la plus fiable. L’employeur peut contacter directement les universités, écoles ou organismes de formation pour confirmer la délivrance du diplôme et la véracité des informations (dates d’obtention, spécialisation, etc.). Pour les diplômes d’État, il est parfois nécessaire de s’adresser aux Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) de la région où le diplôme a été obtenu [2].
- Utilisation de plateformes officielles : En France, la plateforme diplome.gouv.fr est un outil précieux. Elle permet aux titulaires de diplômes de l’Éducation nationale de générer des attestations numériques certifiées, et aux tiers (employeurs, administrations) de vérifier leur authenticité grâce à un code de vérification. Cette plateforme simplifie grandement le processus et offre une garantie d’authenticité [3].
- Recours à des services spécialisés : Des entreprises comme Verifdiploma ou VerifCV proposent des services de vérification de diplômes et de CV, en France et à l’international. Ces plateformes sont conçues pour gérer le processus de vérification de manière sécurisée et conforme à la législation en vigueur, notamment le RGPD [4].
- Vérification des références professionnelles : Bien que ne remplaçant pas la vérification des diplômes, la prise de références auprès d’anciens employeurs peut compléter l’évaluation des compétences et de l’expérience du candidat. Elle permet de recouper les informations et d’obtenir un éclairage sur les aptitudes professionnelles et le comportement du candidat en milieu de travail.
B. Confidentialité et respect du RGPD
La collecte et le traitement des données personnelles des candidats, y compris leurs diplômes et qualifications, sont strictement encadrés par le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et les recommandations de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL). L’employeur doit veiller à respecter plusieurs principes fondamentaux :
- Pertinence des données : Seules les informations directement nécessaires à l’évaluation de la capacité du candidat à occuper le poste proposé peuvent être collectées. La demande de diplômes doit donc être justifiée par les exigences du poste.
- Transparence : Les candidats doivent être informés de la nature des informations collectées, de la finalité de cette collecte et des modalités de traitement de leurs données.
- Sécurité et confidentialité : Les données collectées doivent être protégées contre tout accès non autorisé, toute divulgation ou toute altération. L’employeur doit mettre en place des mesures techniques et organisationnelles appropriées pour garantir la sécurité des informations.
- Durée de conservation limitée : Les données des candidats non retenus ne doivent pas être conservées indéfiniment. La CNIL recommande une durée de conservation n’excédant pas deux ans après le dernier contact avec le candidat, sauf consentement exprès de sa part pour une durée plus longue.
Le non-respect de ces obligations peut entraîner des sanctions de la part de la CNIL, allant de l’avertissement à des amendes administratives significatives.
Références : [3] https://www.education.gouv.fr/diplomegouvfr-attestations-de-diplomes-en-ligne-1745 [4] https://verifdiploma.com/
III. Importance légale de la vérification
A. Prévention des risques juridiques
La vérification rigoureuse des qualifications et diplômes est une mesure essentielle de prévention des risques juridiques pour l’employeur. Ignorer cette étape expose l’entreprise à de sérieuses conséquences, notamment en cas de fausses déclarations ou d’usurpation de titres par un candidat. En France, de telles pratiques peuvent entraîner des sanctions pénales et civiles pour l’individu, mais aussi engager la responsabilité de l’employeur.
Si un salarié a été embauché sur la base de fausses informations concernant ses diplômes, et que ces qualifications étaient déterminantes pour le poste, l’employeur pourrait se retrouver dans une situation délicate. La jurisprudence a montré que si l’employeur n’a pas effectué les vérifications nécessaires avant l’embauche, il lui sera difficile de prouver un dol ou une faute grave justifiant un licenciement ultérieur. La Cour de Cassation insiste sur le fait que la vérification doit précéder la signature du contrat de travail [1]. En cas de litige, un défaut de vérification pourrait être interprété comme un manquement à l’obligation de diligence de l’employeur, le rendant potentiellement responsable des conséquences.
B. Protection de l’entreprise
Au-delà des risques juridiques directs liés aux fausses déclarations, une vérification insuffisante des qualifications peut avoir des répercussions profondes sur la protection de l’entreprise. L’embauche d’un salarié non qualifié pour un poste exigeant des compétences spécifiques peut entraîner des risques significatifs :
- Risques en cas d’accident ou de faute professionnelle : Dans des secteurs où la sécurité est primordiale (santé, construction, transport, etc.), l’absence de qualifications adéquates peut conduire à des erreurs, des négligences ou des accidents. La responsabilité de l’employeur pourrait alors être engagée pour faute inexcusable, avec des conséquences financières et pénales lourdes.
- Conséquences sur les contrats et la réputation : Un salarié dont les compétences sont insuffisantes peut compromettre la qualité des services ou des produits de l’entreprise, entraînant des ruptures de contrats, des pertes de clients et une dégradation de l’image de marque. La réputation d’une entreprise est un actif précieux, et l’embauche de personnel non qualifié peut gravement l’entacher.
- Non-conformité réglementaire : Pour les professions réglementées, l’emploi de personnel non dûment qualifié expose l’entreprise à des sanctions administratives, des amendes, voire la suspension de son activité. Le respect des normes et réglementations spécifiques à chaque secteur est une obligation légale qui incombe à l’employeur.
En somme, la vérification des qualifications n’est pas seulement une question de conformité, mais une stratégie proactive pour protéger l’entreprise contre des risques opérationnels, financiers et de réputation. Elle garantit que les salariés possèdent les compétences nécessaires pour accomplir leurs tâches en toute sécurité et efficacité, contribuant ainsi à la performance globale et à la pérennité de l’organisation.
Références : [1] https://www.admissions.fr/expertheque/articles/un-candidat-peut-il-vous-raconter-nimporte-quoi-pour-se-faire-recruter/
IV. Conséquences juridiques d’une vérification insuffisante
A. Sanctions pour l’employeur
Une vérification insuffisante des qualifications et diplômes d’un candidat peut entraîner de lourdes sanctions pour l’employeur, tant sur le plan civil que pénal :
- Nullité du contrat de travail : Si l’employeur prouve que le consentement a été vicié par un dol (manœuvres frauduleuses ou mensonges déterminants) de la part du salarié concernant ses qualifications, le contrat de travail peut être annulé. Cependant, comme mentionné précédemment, cette preuve est difficile à apporter si l’employeur n’a pas effectué les vérifications nécessaires avant l’embauche [1].
- Amendes et poursuites pénales : Dans le cas des professions réglementées, l’employeur qui embauche sciemment ou par négligence une personne non qualifiée s’expose à des poursuites pour complicité d’exercice illégal d’une profession ou d’usurpation de titre. Les peines peuvent inclure des amendes significatives et, dans les cas les plus graves, des peines d’emprisonnement.
- Responsabilité en cas de dommages causés par un salarié non qualifié : Si un salarié, dont les qualifications n’ont pas été vérifiées, cause un dommage à l’entreprise, à des clients ou à des tiers en raison de son incompétence ou de son manque de qualification, la responsabilité civile de l’employeur peut être engagée. Cela peut se traduire par des obligations d’indemnisation importantes. Dans des situations extrêmes, notamment en cas d’accident du travail dû à un manque de qualification, la responsabilité pénale de l’employeur peut également être recherchée pour manquement à son obligation de sécurité.
B. Exemples jurisprudentiels
La jurisprudence française a, à plusieurs reprises, illustré les risques encourus par les employeurs en cas de défaut de vérification des qualifications. Bien que les cas de nullité du contrat pour fausse déclaration de diplôme soient rares et difficiles à obtenir pour l’employeur, la Cour de Cassation a posé des jalons importants :
- Cass. soc., 9 juin 2017, n° 16-15244 : Cette décision a réaffirmé que la vérification des diplômes doit se faire avant l’embauche. Elle souligne la difficulté pour l’employeur de se prévaloir d’une fausse déclaration après la signature du contrat, sauf à prouver un dol caractérisé [1].
- Cass. soc., 30 mars 1999, n° 96-42912 : Dans cet arrêt, la Cour de Cassation a jugé que la fourniture de renseignements inexacts par le salarié lors de l’embauche ne constitue un manquement à l’obligation de loyauté susceptible d’entraîner la nullité du contrat de travail que si elle constitue un dol. Elle ne justifie un licenciement que s’il est avéré que le salarié n’avait pas les compétences effectives pour exercer les fonctions pour lesquelles il a été recruté [1].
- Cass. soc., 25 novembre 2015, n° 14-21521 : Cet arrêt a validé le licenciement pour faute grave d’un directeur des ventes qui avait volontairement dissimulé la réalité de sa situation professionnelle en faisant croire qu’il avait exercé une fonction similaire dans une entreprise concurrente. La Cour a estimé que cette fausse information avait été déterminante pour l’employeur, caractérisant ainsi le dol [1].
Ces exemples démontrent que si la preuve du dol est apportée, les conséquences peuvent être sévères pour le salarié. Cependant, ils mettent également en lumière la nécessité pour l’employeur d’être proactif dans la vérification des informations avant l’embauche, afin de se prémunir contre les risques juridiques et de garantir la validité du contrat de travail.
Références : [1] https://www.admissions.fr/expertheque/articles/un-candidat-peut-il-vous-raconter-nimporte-quoi-pour-se-faire-recruter/
V. Bonnes pratiques RH et recommandations
A. Mise en place de procédures internes
Pour sécuriser le processus de recrutement et se conformer aux obligations légales, il est essentiel pour les entreprises de mettre en place des procédures internes formalisées et systématiques de vérification des qualifications et diplômes. Cette démarche proactive permet de minimiser les risques et d’assurer une gestion des ressources humaines rigoureuse :
- Formalisation d’une politique de vérification : L’entreprise doit définir clairement les étapes de vérification des diplômes et qualifications pour chaque type de poste, en fonction des exigences légales et des compétences requises. Cette politique doit être documentée et communiquée à l’ensemble des équipes impliquées dans le recrutement.
- Intégration au processus de recrutement : La vérification doit être une étape obligatoire et précoce du processus d’embauche, idéalement avant la proposition de contrat. Cela inclut la demande systématique de justificatifs (diplômes, certifications) et la mise en œuvre des méthodes de vérification appropriées (contact avec les établissements, utilisation de plateformes officielles).
- Formation des équipes RH : Les professionnels des ressources humaines et les managers impliqués dans le recrutement doivent être formés aux obligations légales en matière de vérification des qualifications, aux risques associés aux fausses déclarations et aux bonnes pratiques de collecte et de traitement des données personnelles (RGPD).
- Traçabilité des vérifications : Il est recommandé de conserver une trace écrite des vérifications effectuées (dates, méthodes utilisées, résultats) pour chaque candidat. Cette documentation peut s’avérer précieuse en cas de litige ou de contrôle.
B. Utilisation d’outils et de services spécialisés
Face à la complexité croissante des processus de vérification et à la multiplication des faux diplômes, le recours à des outils et services spécialisés devient une bonne pratique, voire une nécessité pour de nombreuses entreprises :
- Plateformes de vérification des diplômes reconnues : L’utilisation de plateformes officielles comme diplome.gouv.fr est fortement recommandée pour les diplômes nationaux. Pour les diplômes étrangers ou les vérifications plus complexes, des services privés spécialisés comme Verifdiploma ou VerifCV offrent des solutions complètes et conformes au RGPD, permettant de vérifier l’authenticité des diplômes et des parcours professionnels.
- Audit régulier des processus de recrutement : Il est conseillé de réaliser des audits internes ou externes réguliers des processus de recrutement pour identifier les éventuelles failles, s’assurer de la conformité aux évolutions législatives et réglementaires, et améliorer continuellement les pratiques de vérification.
- Veille juridique : Les entreprises doivent se tenir informées des évolutions du cadre légal et jurisprudentiel concernant le recrutement et la vérification des qualifications, afin d’adapter leurs procédures en conséquence.
En adoptant ces bonnes pratiques, les entreprises peuvent non seulement se prémunir contre les risques juridiques et financiers, mais aussi renforcer la qualité de leurs recrutements, garantir l’intégrité de leurs équipes et protéger leur réputation.
Références : [2] https://hauts-de-france.dreets.gouv.fr/Authentification-des-diplomes-d-Etat-par-les-employeurs [3] https://www.education.gouv.fr/diplomegouvfr-attestations-de-diplomes-en-ligne-1745 [4] https://verifdiploma.com/
Conclusion
La vérification de la qualification et des diplômes d’un candidat avant l’embauche n’est pas une simple formalité, mais une démarche légalement cruciale et stratégiquement indispensable pour toute entreprise en France. Comme nous l’avons vu, une vérification insuffisante expose l’employeur à des risques juridiques significatifs, allant de la nullité du contrat de travail à des sanctions pénales, en passant par une responsabilité accrue en cas de dommages causés par un salarié non qualifié.
Au-delà des aspects purement légaux, la rigueur dans ce processus est une garantie de protection pour l’entreprise. Elle assure que les compétences annoncées sont réelles, prévient les risques opérationnels liés à l’incompétence, protège la réputation de l’organisation et garantit sa conformité aux réglementations spécifiques, notamment pour les professions réglementées.
Il est donc impératif pour les recruteurs, les DRH et les dirigeants d’entreprise d’adopter une approche proactive et systématique. La mise en place de procédures internes formalisées, la formation des équipes, l’utilisation d’outils et de services spécialisés, ainsi qu’une veille juridique constante, sont autant de bonnes pratiques qui permettent de sécuriser le processus d’embauche et de construire des équipes solides et fiables. En investissant dans une vérification rigoureuse, les entreprises ne se contentent pas de respecter la loi ; elles investissent dans leur propre pérennité et leur succès.
Annexes
Textes légaux de référence (non exhaustif) :
- Code du travail : Notamment l’article L1221-6 relatif aux informations demandées au candidat.
- Code civil : Article 1137 relatif au dol.
- Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) : Réglementation européenne sur la protection des données personnelles.
- Législation spécifique aux professions réglementées : Décrets et arrêtés définissant les qualifications requises pour l’exercice de certaines professions (ex: santé, droit, etc.).
Ressources pour approfondir :
- Cour de Cassation : https://www.courdecassation.fr/
- Légifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/
- CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) : https://www.cnil.fr/
- DREETS (Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) : Sites régionaux pour l’authentification des diplômes d’État.
- Plateforme diplome.gouv.fr : https://diplome.gouv.fr/
- Verifdiploma : https://verifdiploma.com/
- VerifCV : https://verifcv.com/